Quelle hypocrisie !
Conditionner l’octroi ou le maintien du droit au revenu de solidarité active à l’accomplissement de quelques heures de bénévolat. Comment croire que cela peut fonctionner. Cette façon de faire plaisir à tous ceux qui ne voient que des tricheurs dans les personnes aidées de la sorte n’est gratifiante ni pour les élus du Haut-Rhin, ni pour le président de l’assemblée départementale de la Vienne.
L’article qu’y consacrait la NR du dimanche 21 février est édifiant. On met en parallèle la prétendue passerelle vers le monde du travail que serait cette solution avec le coût du RSA au niveau départemental et son inévitable corollaire que constitue la chasse aux fraudeurs, à ces profiteurs de tous poils dont le fardeau est tel qu’il mettrait en danger le budget consacré à l’aide sociale. Soyons sérieux. Les chiffres communiqués parlent de 12000 bénéficiaires et de 113 dossiers frauduleux répertoriés en 2014. Même s’il en manque quelques-uns à l’appel, cela ferait moins d’1 % de supposés tricheurs. C’est une moyenne bien plus faible que dans bien d’autres domaines où l’on n’impose pas la double peine.
Au-delà de la rigueur comptable, c’est la moralité du projet qui est contestable. Bénéficier de la solidarité nationale n’est pas un privilège mais un pis-aller pour ne pas tomber dans l’exclusion complète, l’indifférence générale. Ce n’est pas facile de venir de venir étaler sa précarité au grand jour. Cela est même si malaisé que nombre de personnes qui pourraient y prétendre n’osent en faire la demande. Une fois obtenue, cette manne extraordinaire d’environ 500€ ne permet qu’incomplètement de faire face aux dépenses les plus courantes, rejoignant ici les retraités les plus modestes qu’une vie professionnelle sous payée n’a pas mieux lotis. C’est cette double cohorte que l’on retrouve aux portes de nos associations caritatives. Pour les bénéficiaires du RSA (peut-on parler de « bénéfice » ?), comment ne pas penser qu’ils préféreraient une activité salariée à cette situation d’allocataire. Comment se persuader que les 12000 personnes de la Vienne confrontées à cette situation la vivent dans le contentement et la béatitude. Comment leur dire aussi que désormais la solidarité se paie comptant. Comment enfin, d’un point de vue pratique, les faire défiler dans nos établissements scolaires et autres Ephad. Pour y faire quoi. Des petits boulots qu’ils pourront aligner sur leurs futurs CV, montrant ainsi à l’employeur potentiel qu’ils savent être dociles.
Si aucun emploi, aucune tâche n’est méprisable, l’insertion dans le monde du travail mérite une autre approche. RMI puis RSA n’ont pour raison d’être que le constat d’échec de notre société, du autant à celui de notre système éducatif qui ne sait plus conduire une classe d’âge à une formation générale et professionnelle adaptée qu’à une précarisation du monde du travail où l’actif tend à devenir l’exception. Bien entendu, nous avons tous notre part de responsabilité ici mais ce n’est pas une raison de cautionner cette culpabilisation de la pauvreté. Plutôt que de marchander une allocation contre une activité à l’efficacité douteuse on pourrait s’inspirer de propositions comme celles d’ATD Quart Monde (création d’entreprises solidaires ne répondant qu’à des besoins non satisfaits) ou développer des chantiers d’insertion comme ont su le faire nos voisins des Deux-Sèvres dans le domaine du jardinage et du maraîchage. Certes, les bons sentiments n’y suffiront pas de même que tous les « nantis » du RSA n’y adhéreront pas, mais pourquoi ne pas essayer autre chose que le bâton ?