mardi 15 décembre 2015

La parabole du ventilateur


Qu’est devenu le corps électoral Français ? Du moins ce qu’il en reste. 

Il n’a pas manqué de lucidité mais de repères. Depuis les années 80, les alternances droite-gauche (ou vice-versa) à travers différents scrutins nationaux ou locaux  lui ont tout simplement fait comprendre que, de part et d’autre, les élites n'existaient plus. Les politiciens professionnels avaient pris  le pas sur les têtes pensantes, les calculs sur les théories. Exit les courants initiés par des leaders charismatiques et véritables porteurs de courants d’idées. La chose politique était devenue une entreprise sur laquelle gauche ou droite, chacune  à leur tour, tentait une OPA au détriment de la concurrente.

Les électeurs n'ont d'abord rien vu et cherché à expérimenter les deux possibilités, aussi décevantes l’une que l’autre. Bon nombre d’entre eux se sont coupés des isoloirs. Quelques entêtés ont persisté à vouloir défendre des courants qui n'étaient plus que des chapelles. D'autres, progressivement plus nombreux, ont voulu  alerter et  faire peur en brandissant ce qui n'était encore qu'un hochet. Cédant à la gouaille d’un  bonimenteur de foire, ils ne furent d’abord qu'un tout petit nombre à s’approprier cet objet du quotidien qu’on leur présentait comme révolutionnaire, comme incomparable pour dépoussiérer des neurones encombrés de certitudes déçues, d’enthousiasmes retombés tel un soufflet trop longtemps laissé au four : un ventilateur.

Celui-ci avait de particulier, prétendait le vendeur, de pouvoir chasser les vieilles odeurs tenaces telles le P.S. (Patchouli Saumuré), le R.P.R. (Relents de Passé Racorni), l’E.E.L.V. (Effluves d’Ether Longuement Vaporisées) et bien d’autres encore. Le vendeur, breton décadent, se présentait comme le seul fournisseur attitré de ce produit miracle, le seul représentant d’une entreprise familiale croyant en son irrésistible essor : F.N. (Fragrances Nouvelles). C’était bien tentant et progressivement de plus en plus de foyers électoraux s’équipèrent de l’outil. C’était d’abord presque sous le manteau, la réputation sulfureuse du représentant de commerce n’incitant pas à se réclamer de sa fréquentation. Le matériel n’était d’ailleurs pas très performant lors de se mise sur le marché. Son rayon d’action était limité et sa sécurité d’emploi n’était pas garantie. Il avait refusé les tests comparatifs avec les produits étrangers et, ne répondant pas aux normes européennes, n’avait jamais reçu le label C.E.

Cela n’empêchait le succès des ventes à grand renfort de baratin. Peu à peu, le courant d’air provoqué se mit à faire effet, à grignoter de l’espace, à intercaler ses propres senteurs parmi les autres. Les autres, justement, étaient bien embêtées, ne trouvant pas mieux que dire qu’il suffisait de se boucher le nez pour résister. C’était bien trop mince pour être efficace d’autant que dans l’usine des ventilateurs on faisait évoluer le produit. Perdant son socle pour gagner en hélices, il devenait drone si bien qu’un ou deux suffisait pour arroser des territoires immenses. Le directeur commercial évincé pour ventes insuffisantes se voyait remplacé par une directrice qui avait pensé que projeter une brise Marine fortement iodée serait encore plus efficace que la technique initiale.

Ça a fonctionné. Sans réussir à s’approprier l’ensemble de la clientèle, cette firme devenait le premier fournisseur de la gente électorale. Les acheteurs séduits et embobinés pensèrent qu’ils étaient devenus le premier groupe de consommateurs du pays et qu’ils pouvaient désormais sortir tête haute, leur appareil en main. Tout juste y en eut-il quelques-uns pour tenter d’expliquer que l’inexorable pouvait encore être évité. Voix prêchant dans le désert. Elles n ‘avaient aucun écho, aucun  impact pour avertir que cette brise marine, au-delà d’un effet perturbateur, allait restituer ce dont elle s’était imprégnée au large, ces effluves brunâtres ou noirâtres  récupérées dans les soutes des cargos pollueurs, ces Erika et autres Amoco Cadiz. Des retombées souillant des terres devenues incultes devinrent l’horizon de populations naïves se demandant comment elles en étaient arrivées là. Comment se débarrasser désormais de ces tâches sombres devenues quasi indélébiles?     

 Pas de réponse simple à cette question qui est devenue subitement préoccupation. Seulement une suggestion:
Armez-vous de détergent, d’éponges, de produits détachant et ne pleurez pas sur l’huile de coude, citoyens, la partie sera rude avant de redonner l’éclat du neuf à l'atmosphère de démocratie, de tolérance, de solidarité et d'espérance que vous avez si peu protégée.

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