Incontestablement, la campagne présidentielle et ses deux
tours de scrutin auront eu, pour
beaucoup d’entre nous, un effet plus vomitif que la pire décoction d’ipéca. Il y eut d’abord la montée en première ligne de
tous les revanchards, repris de justice ou justiciables en puissance,
s’accrochant à leurs strapontins
d’hommes – ou de femmes – publiques. Puis, les primaires censées donner aux
citoyens un canevas clair et net des forces en présence n’ont fait qu’agiter
les miasmes. Elles ont mis au grand jour l’hypocrisie de ceux qui prétendaient moraliser et clarifier le système dans lequel
ils évoluent, mais tous avec l’arrière pensée d’en tirer un profit personnel.
De l’entêtement indigne d’un Fillon tricheur à la fausse
naïveté d’un Le Roux « mais tout le monde fait comme cela ! »
rien ne nous a été épargné. Passons sur le refus de Le Pen de rencontrer ses juges
pour reconnaitre combien elle avait su tirer profit de cette Europe qu’elle
honnit. La fraicheur candide d’un Macron ascensionnel a été bientôt confondue
avec une bouée de sauvetage inespérée dans un océan sans repère sur 380 degrés. On oublie d’un coup qu’il est le produit de ce même système, de
cette ENA qui nous a vampirisés et ne cède pas une once de sa zone d’influence.
Macron, soutien de Hollande, voici 5 ans
pour l’aider à monter les marches de l’Elysée puis son conseiller et enfin son
ministre avant d’en être son détracteur. « Mais il n’a pas trahi »
vient d’affirmer ce dernier allant jusqu’à vouloir nous persuader que son
successeur va être son prolongement. Tu parles ! Sans doute le déroulé des
derniers mois lui fait-il regretter d’avoir renoncé trop tôt pour s’inspirer de
la sorte de Cocteau : « Puisque ces mystères nous
dépassent, feignons d’en être l’organisateur ».
Il oublie vite, notre sortant, que nous nous sommes
dévoués à sa cause pour lui faire gagner les premières primaires jamais
organisées, voici plus de cinq ans, présentées comme le summum de la vie
démocratique. Ces primaires, copiées par la droite puis renouvelées des deux bords avec le résultat
que l’on sait : des vainqueurs inattendus. Un Fillon dont les jongleries
avec les deniers publics ont fait se dissimuler la droite derrière une union
sacrée de façade. Une gauche socialiste reniant son âme pour refuser le
vainqueur désigné, tous les sortants (en place), Hollande en tête, se libérant
d’une quelconque obligation de fidélité
à l’engagement pris. On est loin de l’intransigeance du PS d’antan où toute
velléité de ruade menait à l’exclusion.
Mais que font Borgel et la rue de Solferino ?
Mélenchon, surpris de sa grimpette dans les sondages,
avait tiédi son discours jusqu’à espérer l’emporter. Ramené à la dimension d’un
hologramme fugace, il n’en a restitué
qu’une aigreur distanciée et méprisante. Que ne s’est-il lui aussi soumis au
crible de la primaire. Il aurait pu être une autre surprise du tour
préliminaire.
Désormais, la « Macronmania » est de mise. On
oublie le procédé qui l’a générée, que son créateur a usé d’une forme de
supercherie pour parvenir à ses fins. L’ambition gourmande d’une jeunesse
pressée n’aurait pas supporté d’attendre une ascension progressive par
élections locales interposées. Il a préféré être la créature, l’avatar d’un
Hollande voyant plus tard sa propre création se retourner contre lui. Les mimiques
complaisantes du 8 mai ne dissimulent pas grand-chose. Pour qui savait lire sur
les sourires, l’un disait ‘je t’ai bien
eu’, quand l’autre répondait ‘ petit
salopard ‘. On ne peut que saluer la performance et dire
« chapeau l’artiste » tout en refusant de cautionner le procédé. Que
dire, dans ce subit engouement, des contorsions que l’on voit tous azimuts chez
des conseillers et des experts de toutes sortes prodiguant commentaires,
conseils et félicitations dans le seul espoir de titiller l’oreille de
l’intéressé et d’en retirer une survie médiatico-politique.
De Royal à Villepin, tous l’encensent et le flattent.
Jusqu’à Bayrou qui voit là une réussite qui aurait pu être la sienne voici deux
générations : « la création d’un mouvement, d’un courant qui ne soit
ni de droite, ni de gauche mais comme lui, du centre », c’est-à-dire de
nulle part. Ayant sauvé son mandat de maire avec la complicité de la droite, il
se place sans vergogne dans la peau d’un incontournable ministrable macroniste.
Cette troisième mi-temps, contrairement à ce qui se passe en sport, n’est pas
celle de la convivialité. Les quatre ou cinq équipes qui viennent de s’opposer
se transforment presque en autant de courants et chapelles qu’il y a de
ministres sur le départ, de cadres survivants dans les partis. Droite et gauche
ressemblent à deux équipages de Titanic se battant pour monter sur le trop peu
de canots de sauvetage. Le naufrage est inévitable.
On aurait pu espérer échapper localement à ce désastre
démocratique, que le calme de nos campagnes, la sérénité de notre Poitou seraient
un rempart. Que nenni. La blancheur du tuffeau s’est recouverte d’une pellicule
brunâtre dès le premier tour, le second venant ajouter une deuxième couche bien
épaisse. L’extrême droite s’est officialisée dans nos campagnes car, c’est bien
connu, l’insécurité, les troubles à l’ordre public, les menaces extérieures
sont bien plus grandes ici que dans une quelconque commune des Hauts de France ou
de PACA. Notre maire et président de CCPL y voit la conséquence d’un abandon
des pouvoirs publics. Il appelle à voter Macron exhortant le futur président à
adapter sa future politique aux besoins des territoires ruraux. Il a déjà
oublié, par exemple, qu’en se montrant, naguère défavorable à l’implantation d’un
centre ATSA, il cautionnait et légitimait les thèses réactionnaires, les
attitudes de rejet de l’étranger et apportait un soutien bien inutile au camp
Le Pen. Localement aussi, notre sémillante députée qui « laboure déjà le terrain »
selon la NR du 8 mai, en vue des prochaines législatives et « attends la
fin du scrutin pour engager la suite », ne semble pas s’apercevoir qu’elle laboure
alors que la récolte est déjà engrangée. C’est bien auparavant qu’il fallait se
préoccuper du péril extrémiste. Désormais, telle la libellule d’une espèce écologiquement
protégée, elle saute de mare de mare cherchant la plus propice à son amerrissage et
éviter le sort d’une éphéméroptère.
Comme on le voit, peu de raison de se taper sur le
ventre, sauf une peut-être, que l’on doit à notre inimitable Romain Bonnet,
candidat à toutes les candidatures mais absent de chaque scrutin. Il n’a même
pas réussi à se faire bombarder localement colleur d’affiche pour Fillon, se faisant
doubler par sa plus proche voisine. C’est peu, mais ce fut la seule occasion de
sourire.
Désormais, il nous faut attendre les quatrième et
cinquième mi-temps pour savoir à quelle sauce nous serons dévorés. La bataille
de chiffonniers qui s’engage avec ses tractations de couloirs et d’antichambres
risque d’aboutir à des groupuscules parlementaires multiples, à de nécessaires
compromissions pour constituer une majorité ingérable. Je pense que l’on
pourrait avoir le contraire de ce que promettait Macron. Une France plus
divisée que jamais. Il n’est pas Noé et ne réussira pas à faire monter dans la
même arche et ramer dans le même sens tous ceux qui l’ont poussé à la barre.
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