vendredi 12 mai 2017

Jusqu'à la nausée.



            Incontestablement, la campagne présidentielle et ses deux tours  de scrutin auront eu, pour beaucoup d’entre nous, un effet plus vomitif que la pire décoction d’ipéca. Il  y eut d’abord la montée en première ligne de tous les revanchards, repris de justice ou justiciables en puissance, s’accrochant  à leurs strapontins d’hommes – ou de femmes – publiques. Puis, les primaires censées donner aux citoyens un canevas clair et net des forces en présence n’ont fait qu’agiter les miasmes. Elles ont mis au grand jour l’hypocrisie de ceux qui prétendaient  moraliser et clarifier le système dans lequel ils évoluent, mais tous avec l’arrière pensée d’en tirer un profit personnel.


            De l’entêtement indigne d’un Fillon tricheur à la fausse naïveté d’un Le Roux « mais tout le monde fait comme cela ! » rien ne nous a été épargné. Passons sur le refus de Le Pen de rencontrer ses juges pour reconnaitre combien elle avait su tirer profit de cette Europe qu’elle honnit. La fraicheur candide d’un Macron ascensionnel a été bientôt confondue avec une bouée de sauvetage inespérée dans un océan sans repère sur  380 degrés. On oublie d’un coup  qu’il est le produit de ce même système, de cette ENA qui nous a vampirisés et ne cède pas une once de sa zone d’influence. Macron,  soutien de Hollande, voici 5 ans pour l’aider à monter les marches de l’Elysée puis son conseiller et enfin son ministre avant d’en être son détracteur. « Mais il n’a pas trahi » vient d’affirmer ce dernier allant jusqu’à vouloir nous persuader que son successeur va être son prolongement. Tu parles ! Sans doute le déroulé des derniers mois lui fait-il regretter d’avoir renoncé trop tôt pour s’inspirer de la sorte de Cocteau : «  Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur ».

            Il oublie vite, notre sortant, que nous nous sommes dévoués à sa cause pour lui faire gagner les premières primaires jamais organisées, voici plus de cinq ans, présentées comme le summum de la vie démocratique. Ces primaires, copiées par la droite puis  renouvelées des deux bords avec le résultat que l’on sait : des vainqueurs inattendus. Un Fillon dont les jongleries avec les deniers publics ont fait se dissimuler la droite derrière une union sacrée de façade. Une gauche socialiste reniant son âme pour refuser le vainqueur désigné, tous les sortants (en place), Hollande en tête, se libérant d’une quelconque  obligation de fidélité à l’engagement pris. On est loin de l’intransigeance du PS d’antan où toute velléité  de ruade menait à l’exclusion. Mais que font Borgel et la rue de Solferino ?

            Les désertions successives de tous ceux qui auraient du se regrouper derrière Hamon, comme les soutiens d’opportunité derrière Fillon ne sont que mépris pour les citoyens de base dont on voudrait qu’ils se mobilisent pour désigner celui qui va diriger le pays pour 5 ans. Tout ceci n’est qu’une partie de yams avec des dés pipés. 
 
            Mélenchon, surpris de sa grimpette dans les sondages, avait tiédi son discours jusqu’à espérer l’emporter. Ramené à la dimension d’un hologramme fugace, il n’en a  restitué qu’une aigreur distanciée et méprisante. Que ne s’est-il lui aussi soumis au crible de la primaire. Il aurait pu être une autre surprise du tour préliminaire.
            Désormais, la « Macronmania » est de mise. On oublie le procédé qui l’a générée, que son créateur a usé d’une forme de supercherie pour parvenir à ses fins. L’ambition gourmande d’une jeunesse pressée n’aurait pas supporté d’attendre une ascension progressive par élections locales interposées. Il a préféré être la créature, l’avatar d’un Hollande voyant plus tard sa propre création se retourner contre lui. Les mimiques complaisantes du 8 mai ne dissimulent pas grand-chose. Pour qui savait lire sur les sourires, l’un disait ‘je t’ai bien eu’, quand l’autre répondait ‘ petit salopard ‘. On ne peut que saluer la performance et dire « chapeau l’artiste » tout en refusant de cautionner le procédé. Que dire, dans ce subit engouement, des contorsions que l’on voit tous azimuts chez des conseillers et des experts de toutes sortes prodiguant commentaires, conseils et félicitations dans le seul espoir de titiller l’oreille de l’intéressé et d’en retirer une survie médiatico-politique. 

            De Royal à Villepin, tous l’encensent et le flattent. Jusqu’à Bayrou qui voit là une réussite qui aurait pu être la sienne voici deux générations : « la création d’un mouvement, d’un courant qui ne soit ni de droite, ni de gauche mais comme lui, du centre », c’est-à-dire de nulle part. Ayant sauvé son mandat de maire avec la complicité de la droite, il se place sans vergogne dans la peau d’un incontournable ministrable macroniste. Cette troisième mi-temps, contrairement à ce qui se passe en sport, n’est pas celle de la convivialité. Les quatre ou cinq équipes qui viennent de s’opposer se transforment presque en autant de courants et chapelles qu’il y a de ministres sur le départ, de cadres survivants dans les partis. Droite et gauche ressemblent à deux équipages de Titanic se battant pour monter sur le trop peu de canots de sauvetage. Le naufrage est inévitable.

            On aurait pu espérer échapper localement à ce désastre démocratique, que le calme de nos campagnes, la sérénité de notre Poitou seraient un rempart. Que nenni. La blancheur du tuffeau s’est recouverte d’une pellicule brunâtre dès le premier tour, le second venant ajouter une deuxième couche bien épaisse. L’extrême droite s’est officialisée dans nos campagnes car, c’est bien connu, l’insécurité, les troubles à l’ordre public, les menaces extérieures sont bien plus grandes ici que dans une quelconque commune des Hauts de France ou de PACA. Notre maire et président de CCPL y voit la conséquence d’un abandon des pouvoirs publics. Il appelle à voter Macron exhortant le futur président à adapter sa future politique aux besoins des territoires ruraux. Il a déjà oublié, par exemple, qu’en se montrant, naguère défavorable à l’implantation d’un centre ATSA, il cautionnait et légitimait les thèses réactionnaires, les attitudes de rejet de l’étranger et apportait un soutien bien inutile au camp Le Pen. Localement aussi, notre sémillante députée  qui « laboure déjà le terrain » selon la NR du 8 mai, en vue des prochaines législatives et « attends la fin du scrutin pour engager la suite »,  ne semble pas s’apercevoir qu’elle laboure alors que la récolte est déjà engrangée. C’est bien auparavant qu’il fallait se préoccuper du péril extrémiste. Désormais, telle la libellule d’une espèce écologiquement protégée, elle saute de mare de mare cherchant la plus propice à son amerrissage et éviter le sort d’une éphéméroptère. 

            Comme on le voit, peu de raison de se taper sur le ventre, sauf une peut-être, que l’on doit à notre inimitable Romain Bonnet, candidat à toutes les candidatures mais absent de chaque scrutin. Il n’a même pas réussi à se faire bombarder localement colleur d’affiche pour Fillon, se faisant doubler par sa plus proche voisine. C’est peu, mais ce fut la seule occasion de sourire.

            Désormais, il nous faut attendre les quatrième et cinquième mi-temps pour savoir à quelle sauce nous serons dévorés. La bataille de chiffonniers qui s’engage avec ses tractations de couloirs et d’antichambres risque d’aboutir à des groupuscules parlementaires multiples, à de nécessaires compromissions pour constituer une majorité ingérable. Je pense que l’on pourrait avoir le contraire de ce que promettait Macron. Une France plus divisée que jamais. Il n’est pas Noé et ne réussira pas à faire monter dans la même arche et ramer dans le même sens tous ceux qui l’ont poussé à la barre.

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