samedi 9 novembre 2013

En attendant l'Armistice


Je l'ai toujours ressentie teintée de gris persistant, cette période qui, du 1er au 11 novembre, des tombes familiales aux stèles des Poilus, nous reporte en arrière, dans nos vies  tribales comme dans notre histoire nationale. Dans l'une et l'autre, l'âge avançant, nous prenons la place de nos aînés, ceux qui nous racontaient leurs vies avec le plus souvent, le voile d'une pudeur presque honteuse, jetée sur les périodes troublées.
Armistice, je n'ai jamais aimé ce mot qui résonne comme synonyme d'échec par essoufflement, abandon des champs de bataille faute de combattants, boucherie inouïe qui anéantit les jeunesses d'Europe et bien au-delà. Chaque commémoration nous ressasse cette statistique horrible des morts pour près de dix millions et du double pour les blessés. L'horreur que la bêtise humaine est capable d'engendrer est sans limite. Je repense, parmi eux, à ce grand oncle disparu avec la déroute de l'expédition des Dardanelles, à ce grand-père rescapé des tranchées de Verdun dont l’armée vola six années presque consécutives d'une jeunesse sacrifiée.

Je me souviens également de la gêne ressentie quand, des décennies plus tard, on s' attachait périodiquement à retrouver des rescapés pour accrocher des breloques à leurs revers du dimanche. Honneur tardif qu'ils recevaient en grande dignité, une main pour le salut, l'autre pour la canne. Je m'interrogeais alors beaucoup sur ce que pouvait être leur ressenti, ce que leur restituaient leurs archives personnelles, les images qui défilaient derrière leurs paupières closes. Comme la plupart, mon grand-père était muet sur ce qu'il avait vécu. Il fallut un Dorgelès et ses "Croix de bois" pour apprendre par le livre ce qu'avait pu être son enfer et presque dans la foulée, "Allons z'enfants" d'Yves Gibeau, pour comprendre qu'il existait une forme d'intégrisme militaro-guerrier destructeur dont certains faisaient leur catéchisme.

Puis vinrent  les dernières années des ultimes survivants. Si peu nombreux que télés, radios et journaux pouvaient aisément les suivre et les épier lorsqu'ils  parvenaient à souffler une bougie supplémentaire. C'était comme  un cynique et médiatique couloir de la mort  dont Monsieur Lazare Ponticelli tira la porte derrière lui.

11 Novembre 2013. Nous nous apprêtons à célébrer l'entrée en guerre et faire de l'année 2014 un grand show international. Je suis très hésitant sur l'idée. Certes, il n'y a plus de témoins directs de cette 1ère guerre mondiale et ceux de la seconde se raréfient également. Nous sommes donc devenus les passeurs de la mémoire de nos pères et grand-pères aux générations qui nous suivent. C'est un devoir dont on ne saurait s’exempter, mais de là à choisir le début des hostilités pour le remplir prête à questionnement.

Je serais sans doute moins critique si je voyais des efforts faits en direction d'autres armistices. Pas uniquement entre les innombrables belligérants qui s’entre tuent encore un peu partout dans le monde, mais entre ceux qui crèvent de faim et ceux qui détruisent leur surproduction, ceux qui vont au bout du monde pour s'offrir des soins de confort facultatifs et ceux que la CMU laisse à la porte des cabinets médicaux......
Peut-être aussi, plus localement, entre ceux qui croient à notre capacité de transformer notre ville et ceux qui pensent que c'est sur Loudun que s'est abattu le Dôme de Stephen King.

Mais là, je dois friser l'angélisme.










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