Sommes-nous encore Charlie?

       

Loudun n’avait pas suscité autant d’intérêt auprès des médias nationaux depuis fort longtemps. Après les divers reportages et articles de presse, je trouvais curieux que notre quotidien locale n’aille pas au-delà du déroulement de la réunion publique. J’ai adressé, en tout début de semaine, le billet qui suit en leur demandant de bien vouloir le prendre en compte. La réponse faite : «  Nous allons consacrer un "décryptage" au dossier du centre d'asile de Loudun dans la prochaine NR Dimanche (page 2). Nous y intégrerons votre point de vue. »

            Même si l’échéance me paraissait un peu lointaine sur un tel sujet, j’ai pris mon mal en patience. Je n’ai pas été déçu. Le décryptage façon NR, c’est quelque chose.

            SOMMES-NOUS ENCORE CHARLIE ?

            C’est incontestablement la question qu’il faut se poser…………….à Loudun.

            L’exceptionnelle ferveur d’un rassemblement jamais vu dans notre cité est toujours dans nos mémoires. Ce 11 janvier 2015 demeurera une journée à part. Nous nous félicitions de cette révolte collective contre la plus ignoble des barbaries, enfantée par un intégrisme religieux  abject. Oui, il était bon de se retrouver pour prouver notre cohésion, notre tolérance, notre attachement aux valeurs qui ont fait de notre pays celui des droits de l’Homme. Qu’un journaliste meurt pour ses propos, un dessinateur pour ses caricatures, un policier parce qu’il portait secours ou un simple citoyen parce que le hasard l’avait conduit là, tout cela relevait de l’inadmissible, de l’intolérable.

            Aujourd’hui, l’angoisse  envahit certains d’entre nous. Ce bel élan était-il si facilement soluble dans l’espace et le temps pour que l’annonce de l’ouverture prochaine d’un centre pour demandeurs d’asile suscite autant de hargne et de rejet? La solidarité envers les victimes du terrorisme se limite-t-elle aux français avec papiers en règle ? La levée de boucliers à l’annonce de cette installation nous laisse interloqués. Certes, tout comme les détracteurs, nous dénonçons la procédure utilisée par les services de l’Etat agissant dans le dos de nos élus locaux. Comme eux, nous considérons que l’Etat est au premier chef concerné par ce dossier et qu’il est loin d’y avoir pris sa part, mais là s’arrête la similitude.

            Comment peut-on à ce point s’arc-bouter contre un élan de refus, de rejet de « pas de ça chez moi ! ». On donne ses vieux vêtements à la Croix Rouge ou au Secours Catholique, quelques produits alimentaires à la collecte des Restos du Cœur, on fait quelques achats aux portes ouvertes du Secours Populaire mais on n’offrirait pas une once de sollicitude à des femmes ou des hommes en détresse dont le seul tort serait d’avoir survécu à l’ignominie des passeurs. En Afrique ou au Moyen-Orient, c’est le 7 janvier 2015 à perpétuité. Au-delà de ces déplacements de population fuyant la barbarie, s’ajoutent ceux dus au réchauffement climatique, à la détresse économique ou à la persécution politique. C’est un tsunami humain qui se forme et se profile. Les gesticulations et coups de menton stériles de nos gouvernants comme de l’Europe et du Monde Occidental dans son ensemble sont une insulte à la dignité humaine car c’est d’eux dont à terme dépend l’ébauche de solutions.

            Entre temps, n’en déplaise aux ‘pétitionneurs’ d’occasion, c’est de l’urgence dont il faut se préoccuper. Aider la détresse immédiate, loger, nourrir et vêtir autant que faire se peut. Comment pourrions-nous refuser d’apporter notre minuscule part à un nouvel indispensable  élan de solidarité. Comme n’a pas voulu le dire le sous-préfet, au-delà du gite octroyé accompagné d’un pécule dérisoire, les demandeurs d’asile qui seront hébergés dans l’ancien bâtiment de l’AFPA aurons bien du mal à mener une existence  insouciante. Il y a fort à parier que nos associations caritatives connaissent un surcroît de fréquentation.
            Par contre, à ce niveau, je suis tranquille. Nous saurons montrer que nous ne sommes pas tous redevenus des Charlots.