jeudi 23 janvier 2014

Touche pas à mon Canton!


Ce n'est pas tous les jours que je reçois une invitation de J.P. Raffarin, A. Fouché et C. Bertaud réunis.

L'affaire est d'importance: la Patrie est en danger et il faut déclarer la mobilisation générale pour contenir l'ennemi au-delà de nos frontières. Ce 19 janvier, la missive a des intonations de 18 juin.

Que quoi diable s'agit-il?

Tout simplement de notre survie. La gravité du ton nous fait craindre le pire.


Nous voilà plongés dans les méandres des découpages départementaux induit par la prochaine réforme des collectivités territoriales.
De tous temps, me semble-t-il, le puzzle qu'est notre beau pays a fait l'objet d'envies diverses et variées d'en changer la forme des pièces, leurs nombres, leurs emboîtements. Ajouter ou supprimer des strates dans la pyramide a semblé être l'une des préoccupations favorites de nos dirigeants successifs.

Dans l'urgence révolutionnaire, la Constituante a remplacé les paroisses par les communes ou, plus exactement, n'a pu rien faire d'autre que de superposer l'une à l'autre. Comme l'explique Jaurès (Histoire Socialiste de la Révolution): "Il était impossible de briser la vie locale des anciennes paroisses et communautés de villages. Il fallait la transformer, la passionner en l'élevant à la liberté". C'est ainsi que nous sommes partis avec 44 000 collectivités de base. 
Qui se souvient de cette époque, de l'élection directe du maire par le corps électoral et non son choix par l'assemblée municipale sortant des urnes?
Ah! Cette période révolutionnaire où le maire était élu pour deux ans et où le conseil municipal se réunissait au moins une fois par mois, tout cela pour une bonne administration des affaires locales.

Dès l'An III la commune apparaît dépassée et l'idée de municipalité de canton qui avait été dès l'origine envisagée redevient d'actualité. On estime qu'il y a trop peu d'âmes autour des clochers et que l'on doit passer à l'échelon supérieur. Mais, le Consulat aura la peau  de cette entité éphémère.

Plus de deux siècles après, la myriade s'est éclaircie. L'exode rural aidant, nombre d'Eglises ont perdu leur curé et des villages leur municipalité. Les départements, créés en fonction des moyens de déplacement de l'époque, du temps nécessaire pour parcourir un 'myriamètre'  ( 3 lieues), auraient pu être "carrés" si l'on avait suivi les travaux de l'abbé Sièyes. Cela aurait peut-être été plus simple, ultérieurement, pour les  simplifications.
Depuis, il a fallu s'habituer à la construction laborieuse du fameux "mille-feuille", s'accoutumer à ses différents niveaux: communes, cantons, arrondissements, communautés de communes ou d'agglomération, départements, régions...etc sans compter l'émergence d'innombrables syndicats inter ceci ou cela, à vocation unique ou multiple. Les boussoles s'affolent, on ne sait plus trop où on habite, où l'on va ni même d'où souffle le vent.

Du projet de De Gaulle en 1969, associant décentralisation et rognage des prérogatives des sénateurs à la redistribution cantonale en cause actuellement, chaque tentative de modification par le pouvoir en place a fait grimper aux rideaux les différentes oppositions.

Le panneau DANGER de Raffarin et consorts brandi aujourd'hui renvoie aux déclarations de HOLP-UP des partis de gauche lors du débat de 2010 lancé par la droite Sarkozyste.

En réalité, tout se télescope. Fusion des syndicats, réforme cantonale, simplification régionale.......les citoyens lambda que nous sommes ont bien du mal à s'y retrouver, d'autant que certains ont pris un malin plaisir à brouiller les cartes. J'ai le souvenir du Préfet Tomasini qui, à la veille de partir pantoufler chez EDF,  déclarait à propos du dossier qu'il laissait à son successeur sur ce point: "je reconnais que les propositions de mutualisation dans la Vienne étaient volontairement provocatrices" avant d'ajouter, vachard, et sans doute à l'adresse des contribuables:"vous saviez que dans la Vienne l'élu le plus cumulard à la tête d'une petite mairie, patron d'une intercommunalité et de 3 ou 4 syndicats touche 7.000 euros par mois?"

Si j'en crois un autre pavé dans ce courrier du 19 janvier, la réforme proposée ôterait toute attractivité à nos campagnes.
Vu de Loudun, je me dis que d'autre ont déjà beaucoup fait pour cela.

Il y a cependant chez nous un paramètre d’importance découlant de l'amitié profonde unissant le maire actuel de Loudun au Président de la CCPL. Dans l'hypothèse où, l'un comme l'autre, ils seraient reconduits dans leurs mandats respectifs au soir du 30 mars, qu'adviendra-t-il lorsqu'il faudra renouveler la représentation départementale et régionale? La lutte pour le leadership communautaire sera encore plus tendue et l'isolement de notre cité risque de s'en trouver accru.
Nous n'avons pas besoin de cela.

En attendant, la grande manif  à laquelle je suis convié le 1er février prochain à Civray (et où l'on ne me verra pas) va voir défiler, main dans la main, semble-t-il, tout la gratin de la représentation départementale.


Plus je repense à tout cela, plus je regarde ces  personnages prêts à en découdre en usant de leurs écharpes comme d'un lasso de cow-boy, plus il me semble entendre une petite voix, émanant de leur groupe, échappant à leur contrôle et qui nous dit:
"Touche pas à mon canton, touche pas à mon département, touche pas à ma région ni à mon Palais du Luxembourg et surtout, touche pas à mes mandats".



5 commentaires:

  1. Il n'y a pas de S à "Touche pas" c'est un impératif. Ce n'est pas comme "tu ne touches pas " qui est un indicatif.
    Excuse-moi de cette précision Philippe mais j'étais prof de français, c'est un réflexe.
    Ce n'est pas nécessaire de publier mon message.
    Amicalement

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  2. Bien évidemment que oui, Marie-Christine, je vais publier ton message (et corriger mon texte). Je fais suffisamment de remarques sur l'orthographe et la syntaxe de certains pour ne pas faire amende honorable quand je me prends les pieds dans la conjugaison.

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  3. Ceci dit, je suis bien d'accord avec toi : le premier souci de tous ces élus qui hurlent à la mort, c'est avant tout d'être réélus !

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    1. Café du commerce23 janvier 2014 à 20:17

      Ceci dit, en effet beaucoup d'électeurs le disent et sans doute certains le pensent, moi j'aimerai bien qu'un élu ou en passe de l’être à nouveau réagisse à ce commentaire (14h20), ils lisent régulièrement le blog de Philippe et celui de MCP.
      Chiche messieurs Belin, Bennas et les autres...

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  4. Bien sûr qu'ils les lisent , mais tu rêves ! ce ne sont pas ces pauvres petits blogs qui vont les faire se remettre en question !

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